DOBZYNSKI Charles, Hors - saison
Hors - saison
Cet hiver-là
rien ne semblait avoir changé.
Langue intermittente
le soleil tapait encore
en son écuelle
un restant de jour.
A l’abandon des villages
au creux des épaules
de leurs peupliers.
Découpures du journal
de leur ombre
des villages collaient aux vitres
leur dedans débile.
Quelque chose clochait dans l’air
l’ultra-violet des abeilles
ce grésil ininterrompu
malgré la cire du temps
dans nos oreilles.
Tombait une heure sans écho
dans une autre
l’éponge du fonds des pierres
absorbait toute réponse.
Les perdrix blanches fondaient
avec le bleu de la neige
fard qui fuit cerne de terre
fil d’un œil
sans fin dévidé.
Le ciel pelait à notre insu
nous recouvrait de ses squames
aphasiques les résineux
saignés de mémoire
repliaient leurs veines.
Les feuilles devenaient vitreuses
cassaient dans le gel des rêves.
Et l’on s’éveillait peu à peu
les yeux englués de bitume
toute chose muée en braille
chienne errante chaque bouche
dans le charnier des paroles.
Plus un corps de femme
qui ne soit cloque d’écume
d’un hiver déjà sans remède
en l’étang pestilenciel
de son ventre
plus un enfant qui ne crève
à bulles noires.
D’une secousse d’avenir
sourd un visage
mongolien.
Un mur de pluie
masque un mur de plaies
qui coupe la route au printemps.
Délogiques, Editions Belfond, 1981